Thierry Esther, artiste peintre, se lance dans une série audacieuse intitulée NOIR, une collection qui se distingue par son approche brutalisme, à l’image de la toile «Brutalisme le code noir». Loin de se limiter à une simple dénonciation, cette série se veut un acte engagé. À travers ses toiles, dessins et sculptures, l’artiste explore les thèmes de l’esclavage et de la violence infligée aux Noirs, tout en tissant un lien puissant entre continents et cultures.
L’envie de créer cette série est née d’un moment très personnel : on m’a offert un test ADN MyHeritage. Grâce à cela, j’ai pu retracer mon arbre généalogique et remonter jusqu’à mon aïeul de 1813. Cette découverte a été un choc et une révélation. Je me suis rendu compte que mon histoire personnelle était intimement liée à celle de l’esclavage et de la diaspora africaine. Cela m’a poussé à approfondir mes recherches, à comprendre d’où je venais et, surtout, à transmettre cette mémoire à travers mon art.
La série NOIR est une véritable odyssée visuelle, qui commence en Afrique, berceau des ancêtres, et s'étend jusqu'aux États-Unis, en passant par l'Inde et la Réunion. Chaque œuvre constitue une invitation à la réflexion, un cri de ralliement pour ceux qui ont souffert et continuent de souffrir des conséquences de l’esclavage moderne.
Les toiles, riches en textures et en teintes sombres, capturent non seulement la douleur, mais aussi la résilience des populations noires. Les dessins, quant à eux, révèlent des motifs inspirés de l’héritage culturel africain, mêlant tradition et modernité. L’artiste utilisera l'intelligence artificielle pour réaliser des portraits et des dos marquants les traces du passé. Des sons, des cris dans une pièce enfumée, le discours de Martin Luther King, *«I have a dream», résonnant dans une pièce noire avec des apparitions de visages, hommes et femmes noirs, viennent renforcer cette immersion sensorielle. Quant aux sculptures, bien que souvent de petite taille, elles symbolisent à la fois la force et la lutte.
Dans cet espace singulier, il explore les traces visibles et invisibles laissées par l’histoire. Il interroge les liens subtils entre le visible et l’invisible, et redonne voix à des récits oubliés, métamorphosant son atelier en scène vivante d’un voyage intérieur où chaque geste réconcilie les ombres de l’histoire avec la lumière de l’avenir.
Parmi les éléments marquants de cette série, 4 portraits de figures anonymes, dont les bouches sont cousues. Ces personnages sans voix incarnent la perte de parole, le silence imposé par l’histoire de l’esclavage. L’artiste suggère que ces individus ne peuvent plus raconter leur passé, comme une métaphore de ceux dont la voix a été étouffée, de ceux qui ont été réduits au silence, effacés par la violence et l’oppression.
À travers cette mutilation symbolique, Thierry Esther invite le spectateur à imaginer les récits enfouis, ceux qui n’ont jamais pu être racontés.
Thierry Esther ne se contente pas de représenter la souffrance ; il célèbre également la beauté de la résistance et la puissance de l’identité noire. À travers NOIR, il propose une réflexion sur l’histoire et la mémoire, tout en incitant le spectateur à s’interroger sur son propre rapport à ces thématiques. Son art devient ainsi un outil de transformation, un espace où la douleur se mue en force, et où l’histoire résonne dans le présent.
Pourquoi le choix du brutalisme pour cette série ?
Le choix du brutalisme pour la série NOIR n’est pas anodin. Ce style, caractérisé par des formes massives et une esthétique sans compromis, s’impose comme un moyen puissant d’exprimer la violence, la souffrance et la lutte. Thierry Esther adopte une approche où l’imperfection et la rugosité deviennent des symboles de résistance et de résilience. Pour cela, il utilise une diversité de matériaux – pinceaux, plastique, chiffons, spatules, racles en verre et autres outils insolites – qui confèrent à ses œuvres une texture brute et percutante, en écho aux cicatrices laissées par l’histoire.
Le brutalisme, par son côté brut et inachevé, reflète parfaitement la réalité des héritages douloureux liés à l’esclavage, mais aussi la force de ceux qui ont survécu et résisté à ces épreuves. Les surfaces rugueuses, les textures denses et les formes angulaires des œuvres rappellent une lutte incessante, une quête de sens et de reconnaissance qui ne s’arrête jamais. C'est une manière de confronter le spectateur à une réalité palpable et viscérale, plutôt que de lui offrir une image esthétisée ou édulcorée.
Ainsi, l’art de Thierry Esther dans NOIR incarne à la fois l’histoire cruelle et la beauté radicale de la résistance. Le brutalisme, en tant que style, devient une langue visuelle qui va au-delà de la simple représentation pour s’imposer comme une forme de revendication. Les portraits aux bouches cousues viennent intensifier ce propos, évoquant la violence de l’effacement et la douleur du non-dit, mais aussi la force de ceux qui, malgré tout, persistent à exister dans l’histoire.
Gabriel Pienza TOSCANA, 27 février 2025
*«Je rêve que mes quatre enfants vivent un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau, mais sur la valeur de leur caractère.»
Une partie de l'exposition a été mise en ligne pour permettre à l'artiste de rester en contact avec ses admirateurs, amis et un nouveau public :
Instagram :
@thierryesther
Site Internet :
www.thierryesther.eu
Mail : contact@thierryesther.com