Ses couleurs sont des senteurs. Ses traits des déchirures, lignes tendues de trop vouloir aimer. Dans ce métissage il n’y a ni voyage, ni folklore, mais des rencontres intenses, suspendues à l’état brut.
Alors, quand les amers sont trop forts, l’artiste griffonne, peint, se couche sur la toile et nous laisse là en questionnement. Tandis que lui dans un rire désarmant rejoint un monde fantastique où se croisent d’éternels adolescents, quelques anges égoïstes, Peter Pan et le Petit Prince. Un monde moderne, fait de mode, de virtuel, de légèreté, de mélange, d’invention.
Une œuvre où tout est déséquilibre et donc mouvement. Devant un tableau de Thierry Esther on se sent interpellé et non pas comblé. L’artiste s’est débarrassé d’une angoisse, d’une joie trop forte, d’un vécu, d’un ressenti trop prenant et nous laisse une image que chacun fait sienne. Une image à partir de laquelle nous continuons notre propre histoire.
Massala (mélanges en Hindi)
Il n’y a dans l’œuvre de Thierry Esther ni périodes, ni séries. Les influences sont multiples et n’échapperont pas aux spécialistes décortiqueurs qui ont besoin de tout situer. Mais notre artiste n’a pas été formé dans une académie, il s’est fait seul et ses inspirations sont ses coups de cœur et ses amours. D’où cette liberté de style, cette fraîcheur issue de ses enthousiasmes. La mer et l’air sont ses éléments, plus que le terroir, des éléments où tout circule et se dissout. Lui même se croit ange ou oiseau, un ange parfois désespéré, le plus souvent ironique, toujours amusé et amoureux, entre deux êtres.
Cette ambiguïté de souffrance et de jouissance est la marque d’une éternelle jeunesse qu’il entretient de manière touchante et nous restitue dans sa peinture avec une vitalité décapante. Face à ses peintures, les plus « sérieux » d’entre nous se retrouvent nus comme le pilote en panne de Saint Exupéry qui croit avoir une mission à accomplir et qui ne sait quoi répondre aux questions si simples du Petit Prince.
Métissage.
Métis de peau, Métis de culture, d’une modernité gourmande et optimiste qui donne envie d’aimer la vie pour ce qu’elle est, faite de plaisir et de douleur, sans référence sectaire à un système de pensée ou une civilisation, Thierry Esther est à l’image de notre monde, fait d’électrons libres, avide d’amour et de plaisirs. Ayant vécu des ruptures de jeunesse douloureuses, des déplacements, des différences il va apprendre à se protéger, à organiser sa vie de manière cloisonnée, les facettes sont variées, la personnalité riche et contradictoire, il séduit et se met en scène avec talent, mais sans se livrer totalement, et ses expériences de vie sont nombreuses. Le fruit du métissage n’est pas l’uniformisation, tout au contraire, il atteint à une sorte d’universalité dans sa complexité, bien ancrée dans notre époque. Presque en secret et par période, Thierry Esther peignait. Aujourd’hui il se dévoile, comme pour s’assumer pleinement et se donner.
Malice de la vie, car il n’y a pas de hasard quand on garde son cœur ouvert, j’ai croisé Thierry quand, assailli de certitudes, je devenais enfin vieux. Donneur de leçons je ne comprenais plus le monde comme il va, j’avais tout simplement oublié que rien n’est fixe.
Comme moi, je pense que vous découvrirez que ses peintures, bien qu’arrêtées dans l’instant, sont des messages vivants, changeant au gré du ressenti, des lieux, du temps, des éclairages.